"il n’est pas question de livrer le monde aux assassins d’aube" (Aimé Césaire)

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vendredi 13 mars 2015


Qui suis-je sans mari? (52mn)
Un documentaire de Mariama Samba Baldé
Une production de Paroles Tissées Editions


Quelques jours après la journée de la femme, TV5 Afrique a diffusé Qui suis-je sans mari ? 


Dans un Sénégal où la figure de la femme vertueuse se confond avec celle d’une épouse soumise, faire sa vie sans mari peut apparaître comme une disgrâce, quel que soit le niveau d’études atteint ou la fonction occupée.

Ce film est une analyse de la perception de la femme célibataire ou divorcée au sein d’une société africaine qui se transforme, tout en restant attachée à ses traditions et préceptes religieux. On y découvre des femmes qui témoignent de la pression qu’elles subissent afin de se trouver un époux.

Avec Qui suis-je sans mari ? Mariama Samba Baldé invite à une réflexion sans tabou sur le bien-être et la dignité de la personne, au-delà du vernis social.


L'interview de Totem World
Crédit photo: Mark Augé

Le film documentaire de Mariama Samba Baldé «Qui suis-je sans mari ?» donne la parole à des femmes Sénégalaises, croise scènes de vie avec témoignages et analyses de spécialistes, et plonge le spectateur dans un sujet passionnant et complexe. La réalisatrice et directrice éditoriale de Paroles Tissées Editions nous en dévoile quelques aspects.

Pouvez-vous expliquer la démarche de votre travail documentaire, qui s’inscrit dans une société sénégalaise en plein chambardement?
Mariama Samba Baldé : Il est manifeste que la jeune génération cherche à s’affranchir de certaines pesanteurs sociales. Comme toute société, celle du Sénégal est mouvante, avec de surcroit un mélange d’influences occidentale et orientale par l’islam. Mon documentaire vise particulièrement cette génération de femmes instruites, modernes, financièrement indépendantes. Celles que j’ai interrogées sont des battantes qui s’en sont sorties par leur travail. Ce sont des femmes fortes.Cependant, même si elles ont gagné leur autonomie, on leur souligne constamment qu’il leur manque l’essentiel, l’époux. Pourquoi la société sénégalaise regarde la femme célibataire comme une anormalité ? Pourquoi elle a du mal à concevoir qu’une femme puisse être heureuse et respectable sans mari ? Pourquoi les convenances sociales semblent plus importantes que ce que la femme peut ressentir ? Ces questions sont au cœur de Qui suis-je sans mari ?

Quelles convenances ?
M.S. Baldé : Les femmes sont prises dans l’étau des schémas traditionnels et religieux, qui les confinent dans un statut de « madame ». On rappelle à la femme célibataire qu’elle n’est pas aux normes. Elle est constamment sujette à des questions du genre : « C’est quand le mariage ?». Ceci n’est d’ailleurs pas l’apanage du Sénégal, les Françaises ne sont pas à l’abri de ces pressions. Elles aussi s’entendent dire : « Alors, tu as couronné Sainte-Catherine ? » Les débats passionnés que suscite ici le documentaire en sont révélateurs. TV5 Monde a été séduite par la portée universelle des questions traitées dans le film.

Dans le film, le psychologue Serigne Mor Mbaye évoque le magico-fétichisme. Pouvez-vous illustrer ce concept ?
M.S. Baldé : Une justification courante est celle de la femme seule qui aurait un époux Génie venant la visiter, la nuit, repoussant les “autres“ hommes. Selon le psychologue, les fantasmes ou aspirations de la femme sont assimilées à ce Génie jaloux. Autrement dit, l’entourage trouve des explications surnaturelles, qui visent à consoler mais aussi à éviter le débat.

Quels sont les signes d’évolution du statut de la femme?
M.S. Baldé : En politique, le Sénégal a déjà eu deux femmes premiers ministres, et les députées sont nombreuses (NDLR : 42.7% du parlement, record mondial obtenu suite au bon suivi d’une loi sur la parité). Les femmes financièrement automnes devenant plus nombreuses, elles s’autorisent le divorce plus facilement. Elles entrevoient la possibilité de vivre en adéquation avec leurs idées, leurs aspirations. La modernité est là, mais la société freine. Les médias projettent une représentation de la femme idéale telle une femme soumise qui, quoi qu’elle vive dans son ménage, ne va jamais claquer la porte : c’est en décalage avec la réalité.



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