Qui suis-je sans mari? (52mn)
Un documentaire de Mariama Samba Baldé
Une production de Paroles Tissées Editions
Quelques jours après la journée de la femme, TV5 Afrique a diffusé Qui suis-je sans mari ?
Dans un Sénégal où la figure de la femme vertueuse se confond
avec celle d’une épouse soumise, faire sa vie sans mari peut apparaître comme une
disgrâce, quel que soit le niveau d’études atteint ou la fonction occupée.
Ce film est une analyse de la perception de la femme
célibataire ou divorcée au sein d’une société africaine qui se transforme, tout
en restant attachée à ses traditions et préceptes religieux. On y découvre des
femmes qui témoignent de la pression qu’elles subissent afin de se trouver un
époux.
Avec Qui suis-je sans mari ? Mariama Samba Baldé invite à une réflexion sans
tabou sur le bien-être et la dignité de la personne, au-delà du vernis social.
L'interview de Totem World
Crédit photo: Mark Augé |
Le
film documentaire de Mariama Samba Baldé «Qui suis-je sans mari ?» donne la
parole à des femmes Sénégalaises, croise scènes de vie avec témoignages et
analyses de spécialistes, et plonge le spectateur dans un sujet passionnant et
complexe. La réalisatrice et directrice éditoriale de Paroles Tissées Editions
nous en dévoile quelques aspects.
Pouvez-vous
expliquer la démarche de votre travail documentaire, qui s’inscrit dans une
société sénégalaise en plein chambardement?
Mariama Samba Baldé : Il est
manifeste que la jeune génération cherche à s’affranchir de certaines
pesanteurs sociales. Comme toute société, celle du Sénégal est mouvante, avec
de surcroit un mélange d’influences occidentale et orientale par l’islam. Mon
documentaire vise particulièrement cette génération de femmes instruites, modernes,
financièrement indépendantes. Celles que j’ai interrogées sont des battantes
qui s’en sont sorties par leur travail. Ce sont des femmes fortes.Cependant,
même si elles ont gagné leur autonomie, on leur souligne constamment qu’il leur
manque l’essentiel, l’époux. Pourquoi la société sénégalaise regarde la femme
célibataire comme une anormalité ? Pourquoi elle a du mal à concevoir qu’une
femme puisse être heureuse et respectable sans mari ? Pourquoi les convenances
sociales semblent plus importantes que ce que la femme peut ressentir ? Ces
questions sont au cœur de Qui suis-je sans mari ?
Quelles
convenances ?
M.S. Baldé : Les femmes sont
prises dans l’étau des schémas traditionnels et religieux, qui les confinent
dans un statut de « madame ». On rappelle à la femme célibataire qu’elle n’est
pas aux normes. Elle est constamment sujette à des questions du genre : « C’est
quand le mariage ?». Ceci n’est d’ailleurs pas l’apanage du Sénégal, les
Françaises ne sont pas à l’abri de ces pressions. Elles aussi s’entendent dire
: « Alors, tu as couronné Sainte-Catherine ? » Les débats passionnés que
suscite ici le documentaire en sont révélateurs. TV5 Monde a été séduite par la
portée universelle des questions traitées dans le film.
Dans
le film, le psychologue Serigne Mor Mbaye évoque le magico-fétichisme.
Pouvez-vous illustrer ce concept ?
M.S. Baldé : Une justification
courante est celle de la femme seule qui aurait un époux Génie venant la
visiter, la nuit, repoussant les “autres“ hommes. Selon le psychologue, les
fantasmes ou aspirations de la femme sont assimilées à ce Génie jaloux.
Autrement dit, l’entourage trouve des explications surnaturelles, qui visent à
consoler mais aussi à éviter le débat.
Quels
sont les signes d’évolution du statut de la femme?
M.S. Baldé : En politique, le
Sénégal a déjà eu deux femmes premiers ministres, et les députées sont
nombreuses (NDLR : 42.7% du parlement, record mondial obtenu suite au bon suivi
d’une loi sur la parité). Les femmes financièrement automnes devenant plus
nombreuses, elles s’autorisent le divorce plus facilement. Elles entrevoient la
possibilité de vivre en adéquation avec leurs idées, leurs aspirations. La
modernité est là, mais la société freine. Les médias projettent une
représentation de la femme idéale telle une femme soumise qui, quoi qu’elle
vive dans son ménage, ne va jamais claquer la porte : c’est en décalage avec la
réalité.